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Cellules de lieu et d'orientation.Si l'hippocampe joue un rôle transitoire mais essentiel dans la formation des traces mnésiques, il joue également un rôle central, déterminant dans l'élaboration de la mémoire spatiale. C'est l'hypothèse formulée et développée par O'Keefe et Nadel en 1978 à la suite de la découverte (O'Keefe et Dostrovsky, University College of London, 1971). Chez le rat de la décharge de certains neurones ordinairement silencieux (neurones pyramidaux de la région CA1) lorsque le rat se trouve ou passe dans une région particulière de son environnement. Une des fonctions de l'hippocampe serait donc d'élaborer et de stocker des représentations de l'espace dans lequel l'animal ou le sujet se déplace et finalement de construire de construire une carte cognitive de cet espace. Le nombre très élevé (1 million) de ces cellules nerveuses appelées "cellules de lieu" permet de former une carte cognitive extrêmement précise capable d'informer à tout moment l'animal de l'endroit où il se trouve. Cette carte présente une stabilité dans le temps relativement importante (cela peut aller jusqu'à plusieurs mois). L'hippocampe encoderait l'information sur l'espace dans des coordonnées allocentriques (ou exocentriques), c'est-à-dire l'espace géométrique indépendant de l'animal, a contrario des coordonnées égocentriques encodées par le système vestibulaire. Cette découverte majeure a été complétée par les conclusions des travaux de Jim Ranck (State University of New York, 1985) faisant état de l'existence de cellules dites "cellules d'orientation". Ces cellules ont été identifiées dans de nombreuses structures présentant toutes des connexions importantes avec l'hippocampe. Ces cellules déchargent non pas lorsque l'animal ou le sujet se trouve dans un lieu donné de son environnement, mais lorsque sa tête est orientée d'une façon particulière, spécifique. Une direction donnée de la tête induit de plus des décharges préférentielles. Ces cellules de lieu et d'orientation réalisent l'intégration de différentes informations sensorielles (un lieu particulier peut en effet être codé par l'animal d'après un son, une odeur, une forme; etc.) et permettent probablement à l'animal de se construire une mémoire spatiale. Dans la perspective de l'existence d'une mémoire spatiale, la notion de cartes cognitives mises en œuvre dans l'élaboration de cette mémoire spatiale présente un intérêt manifeste mais soulève différentes questions théoriques du point de vue de leur fonction, des actions réalisées par les sujets qui les utilisent et de leur analogie incertaine avec les cartes de type géographiques. D'autres métaphores ont été proposées pour la représentation et le traitement de connaissances spatiales. Kuipers (1982) fait référence à un "atlas cognitif" qui serait en fait une collection de cartes cognitives d'échelles probablement différentes et comportant des trous de sorte que l'espace représenté serait non homogène. Les cartes cognitives pourraient être également des "figures impossibles" et la notion de "collage cognitif" (Tversky, 1993) a été avancée pour insister sur le fait que les représentations mentales qui guident les jugements lorsqu'il s'agit de trouver son chemin, sont des constructions multimédia fragmentées et partielles. A ce titre les connaissances spatiales n'auraient pas les mêmes qualités métriques que les cartes. Cette propriété semble se vérifier sur de grands espaces y compris quand les sujets sont des professionnels du déplacement. Les travaux menés par Giraudo et al. (1994) et par Pailhous (1970) sont tout à fait éloquents à cet égard. Leurs expérimentations ont porté sur des chauffeurs de taxi marseillais à qui on a demandé, après leur avoir appris la carte de leur ville natale, de reconstituer de mémoire cette carte. Les résultats des travaux de Giraudo et de ses collègues (1994) laissent apparaître très clairement des déformations de la reproduction par rapport à la carte d'origine (Giraudo et al., 1994). Ces résultats montrent que la mémoire de ces chauffeurs de taxi ne restitue pas de façon tout à fait fidèle la topographie de leur ville. On sait que la mémoire topographique peut également constituer une mémoire de survol mental des lieux où le trajet est représenté comme une carte de géographie. Or, l'on sait aussi que cette mémoire peut produire des phénomènes d'anamorphose, c'est-à-dire la production d'une image déformée (un changement de forme). Cette déformation peut s'objectiver par des processus d'hypo (sous dimensionnement) ou d'hypermétrie (surdimensionnement). L'expérience menée par Giraudo et al. (voir cartes ci-dessous) a montré que les chauffeurs de taxis marseillais possédaient une représentation anamorphosée (i.e. une distorsion de la mémoire topographique) de leur ville. En effet, ce qui semble guider la représentation chez ces sujets est la notion de temps (importante pour un automobiliste et plus encore pour un chauffeur de taxi) nécessaire pour se rendre d'un lieu à un autre et non la distance.
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